[TW – je ne sais pas quoi y mettre, mais vous êtes prévenus que]

Je ne sais pas.
C’est effrayant, de ne pas savoir, effrayant de souffrir et de se dire qu’on pourrait y faire quelque chose mais quoi ? C’est de ma faute, presque. Le soir, nous n’avions pas encore éteint les lumières, je lui ai dit « l’infiltration ne fonctionne pas, qu’est-ce qui la retient ? Qu’est-ce qui pèse sur mes épaules, sur moi, sur mon corps, pour l’empêcher ? » et la nuit m’a apporté la réponse, forcément elle a répondu et je me le suis mangé en pleine tête, pourquoi la souffrance.
Et je ne sais pas. Par quel bout le prendre.

J’ai rêvé d’un trottoir, d’eau boueuse et d’un chat dans cette eau, à sauver. D’un sol qui s’effondre sous le chat emporté par l’eau boueuse au moment où je fais un geste vers lui, de sa disparition et de sa réapparition, du chat noir et blanc qui remonte de l’eau, figé dans un bloc de glace, ce rectangle de glace, ce bloc et ce chat figé, d’un deuxième bloc de glace qui apparait à sa droite – oh merde, la droite – avec un autre chat figé, roux et blanc.
Mon ancien chat, mon chat actuel. Et les chats congelés. Bien sûr, les chats congelés. Est-ce qu’un inconscient a le droit de sortir du placard un traumatisme, juste pour se faire entendre ? Je me suis réveillée avec une telle nausée, j’ai manqué rejeter là chats et glace dans les draps.
Je n’ai – jamais – eu la moindre chance de pouvoir les aider.
Je n’ai pas pleuré. Je n’ai jamais pleuré sur ces chatons. Je crois. Je n’ai pas pleuré mais j’ai peiné à me rendormir, j’ai un peu engueulé mon inconscient aussi, je lui ai dit que s’il voulait parler de ma mère il pouvait le faire directement, qu’il n’était pas exclu que je comprenne, s’il me parlait avec simplicité. Alors le rêve suivant, il y avait ma mère. Elle apportait un rockingchair dans ma chambre (immense), il tombait en morceau sur le côté gauche (côté droit si on y est assis, droit comme mon bras blessé, droit comme la hernie qui s’appuie à droite). Je refuse le fauteuil à bascule (on y berce les enfants, pour moi on . y . berce . les . enfants, il est de fait inacceptable dans la même pièce qu’elle) et sans me regarder elle me dit qu’elle le met là pour le photographier, que c’est pour le vendre. Elle part en le laissant là, petit fauteuil délabré qui ne bascule plus. Lorsqu’elle revient, elle installe une bibliothèque et le temps de me retourner il y en a six, de longues bibliothèques en bois très sombre, presque noir, à peine quelques livres dedans. Je les refuse de la même manière, elle me répond de la même manière, me les laisse de la même manière. Je ne suis pas écoutée.
Dans cette immense chambre, il y a un réseau informatique formant un ordinateur tout aussi long, ancien, tout est vieux, très vieux, cela ne fonctionne pas très bien. Je suis sur un réseau social où la communication est rendue difficile par la vétusté de l’ensemble. Au moment où je vais quitter, une personne lance un appel au secours (je me demande si dans mon rêve, il ne s’agit pas de T.T.), c’est un appel à l’aide où le mot « urgent » apparait et je ne peux pas la laisser comme ça, je réponds, lui demande ce qu’il se passe, si je peux faire quelque chose. Sa réponse m’échappe désormais (le rêve est trop loin) mais ce que je retiens, c’est qu’il n’y avait pas d’urgence, ce n’était pas important et je me suis fait avoir un peu, à rester pour elle alors qu’elle va bien et qu’elle ne m’écoute pas.
Un peu plus tard je quitte la chambre, l’appartement, et juste au pied de l’escalier de sortie il y a un restaurant (ou une épicerie, ce n’est pas clair) où il semble que j’ai l’habitude de me rendre pour manger. Le propriétaire me tombe dessus et place dans mes bras deux petits chiens (du genre teckel), il a une urgence, je dois absolument m’occuper d’eux pendant qu’il reçoit sa famille (son immense famille). Pendant qu’il me parle et que je tente de refuser et lui rendre les chiens, je vois cette famille arriver, rentrer derrière lui dans l’épicerie-restaurant et ça n’en finit pas de rentrer, ça n’en finit pas d’être une famille et moi de ne pas y être, ça n’en finit pas d’exister sans moi. Je tente de dire que j’ai un chat là-haut, je ne peux pas ces chiens et ce chat mais il me répond que je peux placer le chat ailleurs dans une pièce, il a vraiment besoin merci. J’ai deux chiens dans les bras qui ne sont pas à moi et dont je ne veux pas.

Je note soudain, à l’écrire, que le mot fleuve de ce rêve est le refus-non-entendu.
Ma mère, qui n’a jamais rien écouté, ni personne, surtout pas moi.
L’amie, qui ne m’écoute pas. L’amitié à sens unique, souvent.
La famille qui m’impose et m’exclut. Qui demande et m’exclut. Que j’écoute et qui ne m’écoute pas.

Je fais le lien avec le point de départ de la douleur le plus probable, sur l’appel de ma tante-marraine, mi-juin 2023 :
. elle m’apprend que mamie m’a trahie, ou disons sa vieillesse, sa vieillesse m’a trahie, je ne sais plus ce que je dois angoisser, ma mère sait que je l’appelle tous les samedi à 14h, le prénom des enfants, elle appelle toute la famille (et toute, c’est un chiffre fou) pour savoir qui m’a prévenue de la présence de mamie en Ehpad, elle les harcèle, elle dit « si ma fille ne me parle plus, c’est un malentendu », elle boucle et veut savoir ce qu’il s’est passé avec J. quand j’avais dix ans, remue le passé pour me faire revenir,
. elle me demande et il s’est passé quoi ? Comme si nous n’en avions pas déjà parlé deux fois elle et moi dans la même pièce (et si mon mari ne me l’avait pas rappelé, j’aurais douté de moi, de ma mémoire, ce que je crois être et qui n’existe pas, peut-être), la force de son déni est sans faille, lui, ce déni qui sait avec certitude que je n’ai pas parlé et que je le dois, il faut que je le fasse pour aller mieux, dit-elle. Certainement, elle pense que je leur dois. Que sa curiosité malsaine est juste. Elle sait que je dois lui dire, à elle, ce qu’il m’a fait. Pour qu’elle puisse l’oublier. Veinarde.
Je me souviens avoir été atterrée. À terre.

Alors je ne sais pas. J’ai un peu avancé de l’écrire, mais je n’ai pas avancé, aussi. Je ne sais pas comment on dit à un corps que sa mère est morte. Et qu’il l’entende. Qu’il peut s’en libérer. Je ne sais pas comment on dit à un corps que ce qui a pesé, pèsera toujours. Je ne sais pas comment on dit à un corps qu’il a la capacité de porter ce qu’il est.
De se relever de la terre.
Et que si cela fait mal, c’est juste que je suis vivante.

2 réponses à « [TW – je ne sais pas quoi y mettre, mais vous êtes prévenus que] »

  1. Avatar de Kalys Graymes
    Kalys Graymes

    Sans avoir rien vécu de ce que tu écris, mais pour reprendre le fil interrompu des mots de l’autre jour, ça me touche tellement, ce que tu écris. Et je sais que tu vas te relever. Tu l’as déjà fait des centaines de fois, ça se voit.

    Spotify me fait découvrir à l’instant une chanson qui te parlera peut-être autant qu’elle fait écho en moi à te lire et à me remémorer.

    J’aime

    1. Parfois je me demande, ça sera quand que je ne me relèverai pas ? (il n’y a pas de réponse, juste une question flottante).

      Merci pour le lien musical ; les paroles sont un écho en effet, sonnent justes, ça ne sera jamais fini (et c’est bien le plus usant).

      J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Un Site WordPress.com.

En savoir plus sur Carnets

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer